Partager les connaissances
La discussion et la transmission des connaissances sont indispensables dans notre métier. Pendant trop longtemps, le savoir a été cloisonné, de la même manière que les tâches étaient strictement réparties entre les compagnons. Par exemple, celui qui travaillait au montage n’accédait pas aux connaissances du peintre.
La notion de « secret d’atelier » était également importante. Dans les problèmes de conservation, chaque atelier affrontait les problèmes de manière indépendante et la communication sur la nature des travaux effectués n’existait pas. Il faut attendre l’évolution de la discipline de la conservation-restauration au cours du XXème siècle et les débuts du Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques pour que s’amorcent des échanges entre professionnels sur les pratiques réelles de restauration en atelier. Le groupe de travail « vitrail » de la Section Française de l’Institut International de Conservation ( SFIIC) a notamment permis, à la fin des années 80, que des verriers volontaires se réunissent autour d’une table pour réfléchir sur les matériaux, les techniques mais aussi sur la déontologie.
Tous les restaurateurs seront d’accord sur le fait que si la formation initiale en école est indispensable, la formation pratique en atelier l’est tout autant, car non seulement elle permet de forger la relation entre la tête et les mains, mais elle provoque les discussions indispensables entre les différents professionnels impliqués.
Aussi l’atelier accueille t-il depuis des années des étudiants en cours de formation. Les étudiants du Master de Conservation et Restauration des Biens Culturels de l’Université de Paris I y sont plus particulièrement suivis, comme ceux de l’Ecole Nationale Supérieure des Métiers d’Art et des Arts Appliqués ( ENSAAMA ).
Les demandes de stage dans notre domaine sont nombreuses. Il convient, pour ceux qui en recherchent, de bien distinguer les stages de loisirs des stages à vocation professionnelle et s’inscrivant dans le cadre de formations diplômantes.
Sur un plan plus théorique, sont également organisées des interventions dans le cadre de la Licence Professionnelle de Préservation et mise en valeur du Patrimoine bâti pour l’Université de Cergy-Pontoise , dans celle de Préservation des Biens Culturels de l’Université de Paris I et dans celui de la préparation du Diplôme des Métiers d’Art de l’ENSAAMA.
Enfin, pour la sensibilisation des plus jeunes, l’atelier répond dans la mesure du possible aux demandes des enseignants désireux d’organiser une visite s’inscrivant dans le cadre de leur programme. Des actions très diverses ont pu être menées : initiation de jeunes enfants de maternelle à la peinture sur verre, organisation d’un projet « vitrail » en classe de CM2 en liaison avec un thème d’étude choisi en Français, visites avec le collège, accueil de stagiaires de collège dans le cadre du stage de 4ème /3ème, etc…
Dans l’immédiat, l’atelier ne propose pas d’activités de loisirs, mais de nombreuses structures en organisent en Ile-de -France. D’ici deux ans, sera mise au point une offre culturelle dans le cadre de « L’Espace Théophile » dont la rubrique sera alors actualisée sur le site.
Pour toute demande de renseignements pour projets ou stages, se reporter à la rubrique « nous contacter ».
Rubrique dédiée aux travaux d’étudiants
Cette rubrique est ouverte à la présentation de travaux d’étudiants. C’est un excellent exercice qui leur permet de valoriser leurs travaux après une courte présentation de leur itinéraire.
Le contenu de cette rubrique sera renouvelé tous les 6 mois (nouvel étudiant et nouveau sujet). Certains élèves peuvent être sollicités mais les volontaires peuvent aussi proposer leur sujet.
Merci à Bénédicte Lacheré d’avoir accepté d’être la première. Bénédicte a obtenu son Master en conservation et restauration des biens culturels (Université de Paris I) en juin 2011 avec un mémoire portant sur les émaux, encadré par Claudine Loisel au LRMH.
Etudiant invité : Bénédicte Lacheré
Titulaire d’un baccalauréat STI Arts Appliqués, je me suis orientée vers la création de vitraux. J’ai alors intégré l’Ecole Supérieure des Métiers d’Art d’Arras (62) pour une formation de trois ans. Au cours de celle-ci, j’ai effectué des stages dans divers ateliers dont ceux de conservateurs-restaurateurs diplômés de l’Université Paris 1. Motivée par le désir de comprendre l’évolution des matériaux, et au vu de l’importance que représente la restauration dans les divers ateliers, il m’a semblé indispensable d’être formée à la conservation-restauration. Après une année de licence en Histoire de l’art à l’Université de Poitiers, j’ai été admise en licence préservation des biens culturels, puis en Master professionnel de conservation-restauration des biens culturels à Paris 1. Ma formation a été complétée par des stages chez la plupart des conservateurs-restaurateurs diplômés.
En côtoyant les professionnels, j’ai eu l’occasion d’aborder la fabrication des peintures appliquées au vitrail, leur conservation et leur restauration, et notamment celles des émaux.
Différentes pathologies ont été repérées par les restaurateurs : opacification, décoloration, fissuration, perte d’adhérence et lacunes entre autres. Cependant, nous ne disposons pas, actuellement, de solution(s) pour la conservation curative des émaux, adaptée(s) à leurs caractéristiques physiques et associant visibilité, durabilité, réversibilité du traitement et respect de la lisibilité de l’œuvre.
Jusqu’alors, peu d’études ont été publiées en France, sur la caractérisation des émaux appliqués au vitrail et leur évolution. C’est pourquoi, le Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques (LRMH, Champs-sur-Marne, France) et moi-même avons décidé de travailler sur le sujet.
L’introduction de l’émail dans le vitrail est habituellement attribuée, en France, au XVIe siècle, avec l’exemple des vitraux de l’église Saint-Pierre de Montfort l’Amaury (Yvelines, France, 1532-1544) bien que de récentes découvertes prouvent une utilisation antérieure mais plus limitée (vitraux exposés au Musée des Beaux-Arts d’Arras, Pas-de-Calais, France, vers 1470). Suite au déclin du vitrail du XVIIIe siècle, des recherches sont lancées pour satisfaire la demande des professionnels du vitrail. C’est alors que les compositions chimiques des verres changent, les formulations des peintures doivent être adaptées. Il s’agit de formules plus complexes. C’est pourquoi, nous avons choisi de nous concentrer sur les émaux datant du XVIe au XVIIIe siècle.
Afin de mieux cerner les processus d’altération, une étude précise des propriétés de l’émail à travers la comparaison de sources littéraires et matérielles, puis des états de conservation actuels, s’est révélée nécessaire.
Etude des sources littéraires
Dans un premier temps, des sources littéraires datant du XIIIe siècle à nos jours, soit une trentaine de textes, ont été étudiées pour définir clairement le terme « émail ». En effet, d’une part, certains auteurs nous livrent des informations à travers leurs recettes tandis que d’autres le définissent grâce à certaines de ses caractéristiques. D’autre part, nous avons pu remarquer que « l’émail » pouvait être désigné comme étant un type de peinture bien spécifique, distinct de la grisaille et des carnations ou regroupant toutes les peintures comportant un fondant. Cette étude a permis de dégager les caractéristiques nécessaires à la reconnaissance d’un émail, dans le but d’orienter les recherches sur des matériaux adaptés à sa conservation curative et sa restauration. Cette définition porte sur la rugosité et l’éclat de la surface des émaux, leur translucidité, leur épaisseur, leur porosité et l’homogénéité de leur composition chimique.
Partie expérimentale
59 échantillons d’émaux cuits sur verre plat, confiés par des ateliers français ont été sélectionnés d’après les différents aspects dégagés dans la définition. Les examens macroscopique et microscopique de leurs surfaces et coupes ont permis de compléter notre définition.
État constitutif
Rugosités
Surface onduleuse et lisse d’un émail, vue à la loupe binoculaire en lumière réfléchie.
Surface bosselée d’un émail, vue à la loupe binoculaire en lumière réfléchie.
Surface irrégulière d’un émail, vue à la loupe binoculaire en lumière réfléchie.
Porosités
Porosités ouvertes. Surface d’un émail bleu, vue à la loupe binoculaire en lumière réfléchie.
Porosités circulaires. Coupe d’un émail bleu au microscope optique.
Porosités irrégulières. Émail bleu au microscope optique en lumière réfléchie vu depuis la face externe, par transparence.
Compositions
Coupe d’un émail bleu, vue au microscope optique.
Coupe d’un émail bleu au microscope électronique à balayage (MEB).
Coupe d’un émail bleu au microscope électronique à balayage (MEB)
État de conservation
Dans un second temps, les altérations observées sur les surfaces et dans la masse des émaux et des verres supports de ce corpus d’échantillons ont été inventoriés et analysés
Décolorations
Coupe d’un émail bleu au microscope optique. Décoloration de la masse de l’émail.
Surface d’un émail bleu à la loupe binoculaire en lumière réfléchie. Décoloration de la masse de l’émail.
Surface d’un émail bleu à la loupe binoculaire en lumière transmise. Décoloration de la masse de l’émail.
Assombrissments
Émail bleu à la loupe binoculaire en lumière transmise. Assombrissement dans la masse de l’émail.
Dépôts
Surface d’un émail bleu à la loupe binoculaire en lumière réfléchie.
Soulèvements
Vue en perspective d’un émail bleu à la loupe binoculaire en lumière réfléchie.
Micro-fissures
Coupe d’un émail bleu au microscope optique. Micro-fissures verticale et horizontale.
Surface d’un émail bleu au microscope optique en lumière transmise.
Lacunes
Surface du verre (émail lacunaire) au rugosimètre.
Infiltrations
Émail bleu au microscope optique en lumière réfléchie vu depuis la face externe, par transparence.
Microfissuration du verre support, sous l’émail, et infiltration de solution altérante.
Émail bleu au microscope optique en lumière transmise
Microfissuration du verre support, sous l’émail, et infiltration de solution altérante.
Les pathologies repérées par les restaurateurs, telles que les piqûres, l’assombrissement allant jusqu’à l’opacification, la décoloration, les microfissures et les lacunes ont pu être identifiées et leur processus de formation en partie expliqués.
Résultats
Notre étude a permis de montrer l’importance du rôle joué par la microfissuration de l’émail et du verre support comme précurseur des opacifications, décolorations et lacunes. Il s’agit donc d’altérations physiques et chimiques interdépendantes. Les microfissures résultant de la libération de tensions, nous pouvons en déduire que les processus d’altération sont en partie liés aux procédés de fabrication, aux conditions de cuisson (comprenant les différences de coefficients de dilatation entre émail et verre support) et de conservation de l’émail.
En conclusion, nous pouvons dire que l’émail appliqué au vitrail, tel qu’il est défini ici présente généralement des microfissures. C’est pourquoi, leurs facteurs de développement (procédés de fabrication, conditions de cuisson et de conservation) sont des points essentiels à développer lors des prochaines recherches à ce sujet. Cela permettra de percevoir les prémices de l’altération et d’anticiper la conservation des émaux.